Histoire de l'Acadie - Evangéline

09 décembre 2021 - 251x
 
-15 +15    Vitesse : x0.8 x1 x1.2 x1.5
 
 
Partager  
 
Je ne sais pas ce qu’il en est pour toi Jean Philippe mais je suis très très friand des chansons qui raconte une histoire, qui sont puissantes dans ce qu'elles évoquent et traduisent.

Alors, pour cette seconde chronique musicale de décembre, j’ai souhaité faire un focus sur une chanson en particulier, programmée de temps en temps sur cette antenne : « Evangéline » interprétée par Natasha St-Pier.
Cet exercice nous permettra d’évoquer aussi un peuple ; les acadiens et de nous remémorer au passage une tragédie : la triste histoire que l’on nomma le grand dérangement.

Pour tous les acadiens, lundi prochain 13 décembre sonnera comme un funeste anniversaire, le souvenir d’une blessure historique ancrée dans la mémoire collective d’une population estimée aujourd’hui à environ 3 millions de personnes, éparpillées pour la plupart dans l’est des Etats-Unis et du Canada.

Le texte d’« Evangéline », magnifiquement écrit en 1971, par le chorégraphe et auteur compositeur Michel Conte, est inspiré d’un poème qui avait eu un immense effet sur la culture acadienne et québécoise.
Ce poème est l’œuvre d’Henry Wadsworth Longfellow. Il raconte la terrible déportation du peuple acadien provoqué par les anglais, qui ne se privèrent pas d’utiliser des moyens très expéditifs, bafouant sans complexe pour parvenir à leur fin ce qu’on appellera plus tard les droits de l’homme.

Parlons tout d’abord un peu de ce peuple : les acadiens.


Marginalisées par des facteurs géographiques et économiques, les régions acadiennes demeurent isolées sur le plan culturel jusqu'au milieu du XXe siècle. Et c’est dans les années 50 et 60, que l’on assiste à l'explosion de la culture acadienne, qu'il s'agisse d'artisanat, de peinture, de chansons, de danse, de théâtre, de cinéma ou de littérature.

Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les Acadiens vivaient en groupes isolés, peu en contact avec l'extérieur. Cela leur permettait de conserver les traditions de leurs ancêtres, leur cuisine, leurs fêtes et leurs traditions orales et puis leur manière de parler qui est une variante de la région du Poitou en France. Depuis leur arrivée au Canada, au XVIIe siècle, chansons, histoires et légendes sont ainsi transmises de génération en génération.

Les chansons plus contemporaines écrites par les Acadiens témoignent de leur éveil à la culture, comme le prouvent « Évangéline », mais aussi d’autres traditionnels comme « Le réveil de l'exilé », « Le pêcheur acadien » ou encore « La fleur du souvenir ».

Une chanson, un peuple et une tragédie disais-je en préambule tout à l’heure.
Lorsque l’on parle du peuple acadien, immanquablement vient le sujet de cette marque douloureuse de leur histoire que la tradition et les historiens ont nommé le grand dérangement.
Deux raisons principales sont à l’origine de cette sinistre page du passé nord-américain :
Première cause : l’appât du gain, clairement, avec en toile de fond, à cette époque, le conflit ouvert avec la France. En confisquant les terres et les biens des acadiens pour les redistribuer à des colons anglais toujours plus nombreux.
Et puis en second lieu : à cause d’un arrière-plan de conflit religieux.
Les guerres dites de religion du siècle précédent résonnaient encore fortement dans les esprits.
Avec des acadiens catholiques pourtant très paisibles face aux anglais principalement anglicans.

Alors, si le personnage d’Evangéline est fictif, la déportation du peuple acadien auquel fait référence cette chanson ne l’est pas du tout.
L'historien John Mack Faragher utilisa même le terme contemporain de nettoyage ethnique. 



Dans le traité d'Utrecht de 1713, comme tout le monde le sait, la France céda aux Anglais cette portion de l'Acadie qui est maintenant la Nouvelle-Écosse .
Le Grand Dérangement est une expression utilisée pour désigner l'expropriation massive et la déportation des Acadiens : peuples francophones d'Amérique lors de la prise de possession par les Britanniques d'une partie des anciennes colonies françaises en Amérique
Environ 12000 habitants désarmés et sans défense, très fortement attachés à leurs racines et à leur patrie furent envoyés par la force en exil vers des destination totalement inconnues, déportés et divisés par groupe d'âge. Pire : hommes et épouses séparés furent embarqués sur des navires en prenant bien soin que les familles se retrouvent démembrées, éparpillés et abandonnées dans les colonies britanniques de la côte atlantique jusqu'en Louisiane.
Des historiens américains estiment que sur une population totale évaluée entre 12 et 18 000 en 1755 ; environ 9000 soit plus de la moitié quasiment périrent en une douzaine d'années sous les effets de cette déportation.

Des peuples ou groupes ethniques opprimés, l'histoire en regorge.
Cela résonne encore aujourd’hui avec fracas. On peut penser au génocide arménien, des tutsis du Rwanda, des juifs avec la Shoa, et plus ou moins connus ou moins médiatisés, tous les drames des peuples indiens d'Amérique, amérindien, toutes ces minorités noyées dans le tumulte de l'histoire.
Mais ce qui nous touche peut-être un peu plus avec les Acadiens, c'est que ce sont nos cousins quelque part.

Voilà ! Jusqu'à présent, j'ai beaucoup parlé des acadiens et de cette page douloureuse de leur histoire ; voyons maintenant la chanson.

En 1971, l'auteur compositeur interprète français Michel Conte s'est directement inspiré du poème « Evangeline : a tale of Acadie » de l'américain Henry Longfellow.


Pour interpréter pour la première fois sa chanson sur l’héroïne fictive Évangéline et son bel amour Gabriel, c'est la chanteuse québécoise Isabelle Pierre qui l’enregistra pour la première fois en 1971 sur son album intitulé « Heureuse », chanson qui sera d’ailleurs son plus grand succès.
Michel Conte dira ceci « ... Je ne saurais trop dire ce qui se passa lorsque je lus sur le socle de la statue le nom d’Evangéline. Quelque chose qui frappe à la porte de ma mémoire…le poème de Longfellow….une grande tristesse qui m’envahit… un choc inconscient mais suffisamment fort pour que je décide d’écrire une chanson sur cette femme qui me paraît être une héroïne de roman, une Yseult maritime, une Juliette nordique, une femme dont le courage me fait mal, dont l’espérance me donne envie de pleurer… »

Evangéline ; c'est une chanson d'amour, une ode à la fidélité: fidélité envers le tout premier amour, volé par les évènements tragiques du tumulte de l’histoire.
Il y a toute une dramaturgie qui se dessine et que l'on peut entendre distinctement : des oppresseurs qui séparent les familles, les pleurs et les cris des enfants privés d'un père, d'une mère, l'arrachement à la terre natale, le vacarme de la guerre et de la peur.
Mais plus que tout, il subsiste ce souvenir puissant et enraciné du pays, de l'être aimé qui bien longtemps plus tard, agonisant, revient tomber dans les bras d'Évangéline.
Le texte est beau, tout en pudeur, sans la lourdeur et la force des chansons militantes.
Non, ce n'est pas une chanson engagée mais un cri du cœur, la quête de l'espoir, d'un amour perdu et retrouvé.
Tout cela est portée par une mélodie simple et apaisante même lorsque le pire est décrit. À trop m'y plonger, comme nous l'a dit son auteur, j'ai tressailli d'émotions moi aussi.

Il est temps maintenant de faire écouter à nos auditeurs cette chanson « Evangéline »
Je n’ai pas choisi la version de Natacha St Pier pour nous aujourd’hui, mais celle plus récente que je connaisse : de la chanteuse canadienne de country Annie Blanchard qui proposait en 2018 une version revisitée sur son album « Welcome soleil »

Annie Blanchard - Évangéline
Evangéline / Auteur compositeur : Michel Conte (Henry Wadsworth Longfellow)

Les étoiles étaient dans le ciel, toi dans les bras de Gabriel
Il faisait beau, c’était dimanche.
Les cloches allaient bientôt sonner.
Et tu allais te marier dans ta première robe blanche

L’automne était bien commencé. Les troupeaux étaient tous rentrés.
Et parties toutes les sarcelles
Et le soir au son des violons, les filles et surtout les garçons t’auraient dit que tu étais belle. Evangéline, Evangéline.

Mais les Anglais sont arrivés. Dans l’église, ils ont enfermé
Tous les hommes de ton village.
Et les femmes ont dû passer avec les enfants
Qui pleuraient toute la nuit sur le rivage.

Au matin ils ont embarqué Gabriel sur un grand voilier,
Sans un adieu, sans un sourire.
Et toute seule sur le quai, tu as essayé de prier,
Mais tu n’avais plus rien à dire. Evangéline, Evangéline.

Alors pendant plus de vingt ans, tu as recherché ton amant
À travers toute l’Amérique
Dans les plaines et les vallons, chaque vent murmurait son nom
Comme la plus jolie musique.

Même si ton cœur était mort, ton amour grandissait plus fort
Dans le souvenir et l’absence
Il était toutes tes pensées et chaque jour, il fleurissait
Dans le grand jardin du silence. Evangéline, Evangéline.

Tu vécus dans le seul désir de soulager et de guérir
Ceux qui souffraient plus que toi-même
Tu appris qu’au bout des chagrins, on trouve toujours un chemin
Qui mène à celui qui nous aime

Ainsi un dimanche matin, tu entendis dans le lointain
Les carillons de ton village.
Et soudain alors tu compris que les épreuves étaient finies
Ainsi que le très long voyage. Evangéline, Evangéline.

Devant toi, était étendu sur un grabat, un inconnu,
Un vieillard mourant de faiblesse.
Dans la lumière du matin, son visage sembla soudain
Prendre les traits de sa jeunesse.

Gabriel mourut dans tes bras. Sur sa bouche tu déposas
Un baiser long comme ta vie.
Il faut avoir beaucoup aimé pour pouvoir encore trouver
La force de dire merci. Evangéline, Evangéline.

Il existe encore aujourd’hui des gens qui vivent dans ton pays,
Et qui de ton nom se souviennent.
Car l’océan parle de toi, les vents du sud portent ta voix
De la forêt jusqu’à la plaine.

Ton nom, c’est plus que l’Acadie, plus que l’espoir d’une patrie ;
Ton nom dépasse les frontières.
Ton nom, c’est le nom de tous ceux qui, malgré qu’ils soient malheureux Croient en l’amour et qui espèrent.
Evangéline, Evangéline. Evangéline, Evangéline.

Liens :

Annie Blanchard – Évangéline

https://youtu.be/SqnH-K2815g


Natasha St-Pier - Tous les Acadiens

https://youtu.be/T-TBh5qelxY
 
Chaque semaine, Denis explore la biographie d’un artiste ou l’histoire d’une chanson emblématique. À travers des anecdotes peu connues et des détails intéressants, découvrez des aspects surprenants de la vie des musiciens et de leurs œuvres musicales. Plongez dans l’univers des chansons célèbres, enrichissez vos connaissances musicales et redécouvrez vos artistes préférés sous un nouveau jour.
 
 

Lecture automatique

 
Chronique Musicale
culture musique
Il y a 5 mois
Chronique Musicale
culture musique
Il y a 7 mois
Oméga Média, une histoire radiophonique
culture radio region
Il y a 6 jours
Chronique Musicale
culture musique
Il y a 5 mois

Bienvenue sur Oméga 90.9 FM DAB+

Belfort - Montbéliard - Besançon

Pour le bon fonctionnement du site internet, nous utilisons les cookies, ils permettent notamment d'établir des statistiques, afin de toujours mieux vous servir

J'ai compris