Rivers of Babylon

02 juin 2022 - 202x
 
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Ce sont Les Melodians, une formation jamaïcaine, qui, à partir d’une chanson populaire des communautés rasta, ont adapté et popularisé en 1970, le psaume 137 de la Bible, devenue un tube mondial quelques années plus tard avec Boney M, un groupe antillais de disco-pop.
Je veux parler de "Rivers of Babylon" ou "By the rivers of Babylon" selon les différentes versions.

Un peu plus tôt au 16° siècle, beaucoup plus tôt devrais-je dire, les protestants de langue française ont appris le psaume 137 dans des versions musicales beaucoup plus pondérées et méditatives, avec la sublime traduction du génial poète Clément Marrot : « Estant ainsi aux rives aquatiques de Babylon, pleurions mélancoliques, nous souvenant du pays de Sion », traduction mise en musique par Claude Goudimel, un des plus grands compositeurs français qui disparaitra avec des milliers d’autres dans la tourmente de la tristement célèbre St Barthelemy à Paris. (Sion dans la Bible c’est Jérusalem.)
Mais le psaume 137, est aussi chanté par les italiens dont l’aspiration à se libérer des jougs étrangers donnera l’occasion à Verdi en 1843 d’utiliser le texte biblique dans son célèbre opéra Nabucco.

Ce texte biblique raconte l'exil du peuple juif déporté à Babylone. L'évocation de « Babylone » et ses jardins suspendus éblouissent encore nos imaginaires et plus encore ceux des historiens. Considérés comme une des Sept Merveilles du monde antique, ils apparaissent dans les écrits de plusieurs auteurs grecs et romains antiques.

Mais à quoi correspond Babylone pour le peuple juif à l'époque ?
Et ce symbole d'exil a-t-il encore une signification aujourd'hui ?

Au VIe siècle avant Jésus-Christ, le puissant Nabuchodonosor, empereur de Babylonie, assiège Jérusalem. La ville sainte est pillée, détruite et la population est déportée dans la capitale du puissant conquérant qui se situait dans l’actuel Irak.
Cet événement est fondamental pour comprendre nombres de textes bibliques qui évoquent la déportation du peuple juif. Les 70 ans qu'ils passèrent à l'étranger marquèrent à jamais la mémoire d'Israël.
Ce psaume 137, et donc la chanson, fait mémoire de cette période et de la nostalgie du peuple élu, éloigné de sa Jérusalem.
Il est possible de penser alors que ce poème qui est aussi un cantique est devenu à jamais le chant de l’homme qui réalise son exil loin de Dieu, car, par nature et par vocation, il est un pèlerin errant sur cette terre.

Au-delà de la destinée juive, cet exil à Babylone marque aussi la culture occidentale et la spiritualité chrétienne. En effet, il devient un symbole de l’état de l’homme éloigné de Dieu. Tel le Juif au bord des rivières de Babylone, le croyant est ainsi invité à prendre conscience de son exil sur cette Terre, loin de la Jérusalem céleste, à se souvenir des moments de joie de sa vie et à se confier en Celui qui en est la source.

Il est à noter que le nom de Babylone est devenu un sujet majeur de la musique reggae pour désigner un lieu d'exil et de décadence.
Gregory Isaacs ou Bob Marley le chantent ainsi dans "Babylon too rough" et "Babylon System". Le bluesman français Bille Deraime également dans au moins trois de ses chansons à consonance reggae.
La déportation dans une terre étrangère et les regrets de Sion est devenue la théologie des rastas, un mouvement social, culturel et spirituel qui s’est développé à partir de la Jamaïque dans les années 1930. Le peuple déporté, ce sont les esclaves d’origine africaine : la terre promise dans la seconde moitié du 20° siècle, c’est l’Afrique et plus précisément l’ancienne Abyssinie : l’Ethiopie de l’empereur Haïlé Sélassié.

Pour ma part j'ai découvert « Rivers of Babylon » avec la reprise de Boney M en 1978. J'étais ado, loin de toutes considérations spirituelles et à ce titre, je ne pouvais pas imaginer un instant, en dodelinant de la tête sur le tempo binaire de cette version pop disco, qu'il était question des souffrances de l'exil du peuple hébreu, du manque de la patrie et de diverses inquiétudes exprimées dans le texte.
En achetant le 45t pour quelques francs de l'époque, je ne faisais que suivre comme beaucoup et en toute insouciance, le hit-parade, la mode du moment.

Seules les 4 premières strophes du psaume sont chantées en boucle avec 2 phrases rajoutées ! Que dit donc la chanson ?

« By the rivers of Babylon. Près des rivières de Babylone ; là, nous nous sommes assis. Nous avons pleuré en nous remémorant Zion : Sion, je l’ai déjà dit ; c'est Jérusalem.
Maintenant comment pouvons-nous chanter les louanges (ou les éloges, acclamations) de Dieu sur cette terre étrangère. Que les mots de nos bouches et la méditation de nos cœurs soient acceptables en ta présence, ici ce soir. »

Donc, on le voit bien ici, contrairement à ce que le style de musique pourrait laisser entendre avec Boney M, on n'est pas dans un registre festif mais plutôt dans celui de la complainte, du gémissement.
À ce propos, la version plus ancienne des Melodians me paraît plus cohérente, la musique collant mieux au texte.
On le sait bien ! Les covers ou reprises, ce n'est pas rare, ne tienne pas toujours compte de l'idée, de l’intention de départ de l'auteur et du compositeur. Avec le groupe Boney M que j'apprécie par ailleurs pour avoir bercé ma jeunesse, il y a dans cette chanson une récupération commerciale évidente dont le but premier est de faire un tube. La mélodie s'y prêtait à merveille.

Nous n’allons pas écouter la version de Boney M seule mais un mix des trois versions les plus connues : l'original des Melodians qui pourra paraitre un peu poussive, celle du groupe qui lui a donné un retentissement planétaire Boney M, et puis une reprise toute aussi enlevée et gospelisée de la très francophile Liz MC Comb, qui est une pianiste chanteuse de gospel d'origine américaine.

Medley

Liens:
The Melodians - Rivers of Babylon

https://youtu.be/BXf1j8Hz2bU


Liz Mc Comb - By the river of Babylon

https://youtu.be/sheftWqE8_k


Boney M - Rivers of Babylon

https://youtu.be/eN3Fmpnoado


PS :
« Un pays lointain : telle est la définition de notre condition humaine que nous devons assumer et faire nôtre, si nous décidons de marcher vers Dieu. L’homme qui n’a jamais fait cette expérience, ne fût-ce que très brièvement, qui n’a jamais senti qu’il est exilé de Dieu et de la vraie vie, ne comprendra jamais ce qu’est le christianisme.

Le lien entre l'exil à Babylone et la liturgie du Carême chez les chrétiens Dans la tradition liturgique orientale, on chante le psaume 137 les trois dimanches qui précèdent le Carême. Tel le Juif au bord des rivières de Babylone, le croyant est ainsi invité à prendre conscience de son exil sur cette Terre, loin de la Jérusalem céleste, à se souvenir des moments de joie de sa vie et à se retourner vers Celui qui en est la source. Ce retournement vers Jérusalem, vers la Patrie Céleste, c’est la metanoïa, mot grec traduit par repentir.



https://eduscol.education.fr/chansonsquifontlhistoire/Rivers-of-Babylon#nav

Note :
L’œuvre de C.Marot est très abondante. On remarque, en lisant ses Œuvres, comme le poète a évolué de la discipline des Rhétoriqueurs, vers un art très personnel. Il est aussi connu pour avoir commencé la traduction en vers français du psautier, terminée après sa mort par Théodore de Bèze. Ses traductions, parfois légèrement modernisées, sont encore chantées par les protestants dans le monde entier.
On attribue à Clément Marot la création des règles d'accord du participe passé.

Extrait : (psaume 139)

1. Grand Dieu, tu vois ce que je suis,
Ce que je fais, ce que je puis:
Que je sois assis, ou debout,
Tes yeux me découvrent partout;
Et tu pénètres ma pensée,
Même avant qu’elle soit tracée.

2. Soit que je marche ou sois couché,
Je ne te suis jamais caché:
Ta vue éclaire mon sentier,
Et tu me connais tout entier;
Le mot à peine est sur ma langue,
Que déjà tu sais ma harangue.

3. Lorsque je vais, lorsque je viens,
Je me sens pris dans tes liens:
Seigneur, ton pouvoir souverain
Me mit, en naissant, sous ta main;
Et comment pourrait ma faiblesse
Atteindre à ta haute sagesse?

4. Si ton Esprit veut me chercher,
Où fuirai-je pour me cacher?
Puis-je me sauver devant toi?
Si je monte aux cieux, je t’y vois;
Et si je descends dans l’abime,
Je t’y vois pour punir mon crime.

5. Quand l’aurore m’aurait prêté
Ses ailes, sa rapidité,
Et que j’irai, en fendant l’air,
Aux bords opposés de la mer;
Ta main, s’il te plait de l’étendre
Viendra m’y poursuivre et m’y prendre.

6. Si je dis: la nuit, pour le moins,
Me cachant aux yeux des témoins,
De son ombre me couvrira;
La nuit même t’éclairera:
Car l’ombre la plus ténébreuse
Est pour toi claire et lumineuse.

7. Tu sondes mes reins et mon cœur;
Et c’est toi qui formas, Seigneur,
Tout mon corps si bien assorti,
Dans les flancs d’où je suis sorti:
Et pour ces merveilles étranges,
Ma bouche chante tes louanges.

8. Seigneur, les biens que tu nous fais,
Ta puissance, et ses hauts effets,
N’ont jamais pu se concevoir;
Mon âme cherche à les savoir;
Mais toi, qui seul m’as donné l’être,
Seul aussi tu peux me connaitre.

9. Oui, c’est ta main qui m’a tissu,
Dans le sein où je fus conçu.
Tes yeux me virent imparfait;
Et de mon corps rien n’était fait,
Rien n’avait commencé de vivre,
Que tout s’écrivait dans ton livre.

10. Grand Dieu, tous tes faits glorieux
Me furent toujours précieux:
On ne saurait les supputer;
Et si je voulais les compter,
Il s’en trouverait davantage
Que de grains de sable au rivage.

11. J’y médite avant mon sommeil;
J’y pense encore à mon réveil.
Mais, Seigneur, quand détruiras-tu
Mes ennemis, par ta vertu?
Quand viendras-tu, par ta puissance,
Les éloigner de ma présence?

12. J’entends ces orgueilleux, Seigneur,
Qui voudraient ternir ton honneur,
Et dont la folle impiété
Ose attaquer ta Majesté.
Contre eux tous mes esprits s’aigrissent,
Et je hais ceux qui te haïssent.

13. Je veux les haïr constamment,
Je les déteste ouvertement;
Oui, Seigneur, je veux pour toujours,
En fuir les profanes discours.
N’est-il pas juste que j’abhorre
Le méchant qui te déshonore?

14. Dieu juste et bon, éprouve-moi;
Vois si je n’aime pas ta loi,
Ou si mon pied s’est arrêté
Au chemin de l’iniquité;
Et que ta grâce, où je me fonde,
Soit toujours mon guide en ce monde.
 
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