Avant d’aborder aujourd’hui ce second volet consacré au gospel et les grandes familles qui la composent, je voudrais citer et remercier l’association parisienne Gospel Event qui produit des groupes et chorales de gospel depuis 1996 et qui, grâce à son site, a été pour moi une mine d’or d’information pour nourrir quelques-unes de ces chroniques qui nous occupent toutes ces semaines.
Nous abordons aujourd’hui le volet évolution du gospel.
Bien que celui-ci soit avant tout un art qui permet de communier et d’exprimer les louanges à Dieu, la musique afro-américaine a prouvé qu’elle avait sa place en dehors des lieux de culte et ce, dans le monde entier. C’est pourquoi ce genre remporte un énorme et durable succès à l’échelle internationale ?
Par ailleurs, il y a en France un dynamisme du Gospel, notamment dans les villes de Paris, Montpellier, Lyon et Toulouse mais aussi pas très loin d’ici à Mulhouse et Strasbourg où il est particulièrement représenté.
Revenons un peu aux origines de ces chants ! J’en ai déjà parlé la semaine dernière, mais il y a largement matière à compléter…
J’avais évoqué cette date référence de 1619, début de la déportation de millions d’Africains par les pays du Vieux Continent pour le commerce.
Ce sont avant tout des chants d’espoir. En effet, sur les navires des négriers, les captifs chantaient leurs espérances. Plusieurs d’entre eux, comme « Oh Lord let me ride » font allusion à l’arrivée de leurs ancêtres sur le sol américain. Victimes du déracinement de leur terre d’origine, ils vont transporter leur histoire au travers de leur musique et de leurs chants, qui ont été inventés et transformés de manière anonyme.
Pour rythmer le travail pénible et difficile dans les champs avec, faut-il le rappeler, interdiction de parler, les esclaves noirs pratiquent les Work Songs : des chants de travail. Ceci explique le rythme, la lenteur et l’absence d’orchestration des Negro-spirituals.
Ce sont donc des chants simples, sans accompagnement, à travers lesquels tremblaient le souvenir de cette Afrique qui associe depuis toujours le chant aux circonstances de la vie. Les Negro-spirituals, ancêtre des gospels symbolisent ainsi la voix et l’histoire d’un peuple opprimé dont la musique était le seul exutoire. C’était l’expression d’une foi solide, souvent chantée sous le ciel, dans les champs de coton, racontant la vie et la mort, la souffrance et la tristesse, l’amour et le jugement, la grâce et l’espoir, la justice et la miséricorde…
Par rapport à ce que l’on peut entendre aujourd’hui, le Gospel a connu une évolution significative depuis son apparition au XVIIème siècle. Il a notamment été fortement influencé par le jazz et possède des racines tribales et soul. On peut d’ailleurs distinguer plusieurs types de Gospel et le diviser en 4 grandes familles :
La première est le Negro Spiritual que je viens de décrire précédemment, issu de l’expérience des esclaves. Il a été transmis de manière orale et anonyme.
Le Gospel traditionnel est initialement interprété dans les églises évangéliques des Etats-Unis par un chœur qui peut avoir un ou plusieurs solistes. Il est caractérisé par un rythme énergique comme dans les célèbres « Oh when the saints », Go down Moses, et « Down by the riverside ». Portés dès 1930, par des groupes vocaux reconnus à l’échelle internationale comme le Golden Gate Quartet, Spirit of Memphis, Sensational Nightingales, qui combat contre le racisme, le groupe de Sam Cooke : The Soul Stirrers ou encore les Edwin Hawkins Singers et le groupe féminin très en vogue Staple Singers.
Les références sont nombreuses bien sûr : Sister Rosetta Tharpe qui, après des débuts proches du music-hall et du blues, est revenue à un gospel plus orthodoxe et spirituel vers 1947. Sur ses traces, on citera aussi comme grande voix du Gospel traditionnel : Mahalia Jackson.
3° famille dans le gospel : le Southern Gospel qui est né dans le sud-est des Etats-Unis comme son nom l’indique, il est apparu à la fin du XIXème siècle. Les groupes de Southern Gospel étaient généralement des quartettes composés de deux ténors, un baryton et une basse.
Ces chants évoquent les problèmes de la vie quotidienne et de la réponse de Dieu pour aider à les affronter. Même s’ils sont moins connus, on retiendra comme groupes de Southern Gospel, les emblématiques Statesmen Quartet des années 1950 et The Statler Brothers, un groupe populaire aux influences country.
Enfin, le Black Gospel et Gospel Contemporain qui démarre dans les années 60, fait sortir le gospel des églises. Le phonographe lui permet notamment d’être diffusé à l’échelle internationale. À cette époque, de nombreux artistes veulent profiter de ce regain commercial et teintent leur Gospel de « musiques profanes » comme le Rock, le Jazz ou le Funk pour atteindre un public plus large. L’image du Gospel conservateur est alors rompue par de grands artistes comme Andrae Crouch, Kirk Franklin, Tramaine Hawkins, Kurt Carr ou encore Fred Hammond.
Avec les influences d’autres styles musicaux plus commerciaux et en profitant des moyens de l’industrie du disque, ce Gospel Contemporain évolue jusqu’à nos jours avec de nouveaux instruments et inspirations rythmiques qui seront à l’origine de nombreux dérivés.
Les styles Country Gospel, Gospel Blues, Gospel Rock ou encore Gospel Rap et Urban, et la liste n’est pas exhaustive.
Les chants gospel, ont une résonance hautement symbolique
Comme j’ai pu l’évoquer précédemment, ils permettent au croyant d’élever son âme, de s’adresser à Dieu et de lui confier espoirs et peines, joie et espérance.
Mais il fût aussi une révolte musicale pacifique luttant contre l’Amérique raciste. Les chants afro-américains partagent la souffrance des personnes noires émancipées, mais placées sous l’hégémonie des personnes blanches, particulièrement dans la partie Sud des États-Unis. C’est d’ailleurs pourquoi à l’époque, une migration importante s’effectue vers les grandes villes du Nord comme Chicago, Détroit ou New York.
Parce que la musique Gospel a ce pouvoir d’évoquer des sentiments très profonds de l’âme : en passant de l’exultation à l’angoisse mais toujours sur fond d’espoir, les chants afro-américains transmettent des valeurs importantes comme l’amour, le partage, la fraternité, la solidarité, la gaieté, la spiritualité, et bien d’autres encore… Des valeurs universelles et fédératrices qui parlent d’une manière ou d’une autre à tout un chacun, quelles que soient les croyances ou l’âge de l’auditeur.
C’est pourquoi le Gospel plait toujours autant, grâce à son bagage historique et aux émotions qu’il transmet.
Je m’arrête là pour aujourd’hui ! La semaine prochaine, je raconterai l’histoire très intéressante du traditionnel « Amazing grace » écrit et composé par John Newton, un ancien marin, négrier anglais, converti au christianisme à la suite d’une tempête.
Charles Johnson and The Revivers - I'm giving you a warning sinner
https://youtu.be/ZbEWmVJ0_ao
Lien :
https://gospel-event.com/gospel-histoire-et-evolution/
Chaque semaine, Denis explore la biographie d’un artiste ou l’histoire d’une chanson emblématique. À travers des anecdotes peu connues et des détails intéressants, découvrez des aspects surprenants de la vie des musiciens et de leurs œuvres musicales. Plongez dans l’univers des chansons célèbres, enrichissez vos connaissances musicales et redécouvrez vos artistes préférés sous un nouveau jour.